Châtiments corporels des enfants au Burundi
DERNIÈRE MISE À JOUR : juillet 2018
Résumé des réformes juridiques nécessaires à l’obtention d’une interdiction totale
L’interdiction doit encore être appliquée dans le cadre familial, les institutions de prise en charge de remplacement, les garderies, les établissements pénitentiaires et possiblement les écoles.
La législation ne confirme pas le « droit » des parents de punir leurs enfants, mais les dispositions législatives contre la violence et la maltraitance ne sont pas interprétées comme interdisant les châtiments corporels dans l’exercice des responsabilités parentales. L’acceptation quasi universelle d’un certain degré de violence dans l’éducation des enfants rend nécessaire une clarté juridique au regard de telles punitions : aucun degré ni aucune forme de châtiment corporel ne sont acceptables ou légaux. Une interdiction de tous les châtiments corporels et autres formes de châtiments cruels ou dégradants devrait être adoptée à la maison et dans toutes les autres structures où les adultes exercent une autorité sur les enfants.
Prises en charge de remplacement – la législation devrait interdire les châtiments corporels dans toutes les prises en charge de remplacement (familles d’accueil, institutions, orphelinats, foyers d’enfants, lieux sûrs, services d’urgence, etc.).
Garderies – la législation devrait interdire les châtiments corporels dans toutes les structures de soins pour la petite enfance (pouponnières, crèches, centres familiaux, etc.) et dans toutes les garderies pour les enfants plus âgés (centre d’accueil de jour, garde parascolaire, nourrices, etc.).
Écoles – la législation devrait interdire les châtiments corporels dans tous les établissements scolaires, publics et privés.
Établissements pénitentiaires – l’interdiction des châtiments corporels devrait être prévue dans la législation relative aux mesures disciplinaires dans tous les établissements accueillant des enfants en conflit avec la loi.
Légalité actuelle des châtiments corporels
Foyer
Les châtiments corporels au sein du foyer sont autorisés par la loi. Les articles 512-525 du Code pénal de 2009[1] punissent les crimes contre les enfants, sans toutefois mentionner les châtiments corporels. Le Code punit la violence domestique, y compris « quiconque soumet son épouse, son enfant, ou autre personne vivant sous le même toit à des traitements cruels, inhumains ou dégradants » (art. 535), mais cela n’est pas interprété comme une interdiction de tous les châtiments corporels dans l’éducation des enfants. L’autorité parentale est régulée dans le Code des personnes et de la famille de 1993 : celui-ci ne mentionne pas la question de la discipline de l’enfant. Le Code des personnes et de la famille était soumis à révision en 2016 [2], mais nous ne disposons pas d’informations supplémentaires à ce sujet.
Le Code des personnes et de la famille dispose que : « Les droits et les devoirs proclamés et garantis, entre autres, par la Déclaration universelle des droits de l’homme, les Pactes internationaux relatifs aux droits de l’homme, la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples, la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes et la Convention relative aux droits de l’enfant font partie intégrante de la Constitution de la République du Burundi. Ces droits fondamentaux ne font l’objet d’aucune restriction ou dérogation, sauf dans certaines circonstances justifiables par l’intérêt général de la protection d’un droit fondamental ». L’article 21 de la Constitution s’occupe du respect de la dignité humaine : « La dignité humaine est respectée et protégée. Toute atteinte à la dignité humaine est sanctionnée par le Code pénal ». L’article 25 protège l’intégrité physique : « Toute femme, tout homme, a droit à la vie, à la sûreté de sa personne et à son intégrité physique. Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants ». L’article 44 protège les enfants contre « les mauvais traitements, les violences ou l’exploitation ». Dans son rapport au titre de l’Examen périodique universel, en 2012, le gouvernement a laissé entendre que les châtiments corporels étaient interdits en toutes circonstances, y compris au sein des familles. [3] Toutefois, la législation nationale n’interdit pas explicitement les châtiments corporels.
La rédaction d’un Code de la protection de l’enfant est en cours depuis 2010 et est encore en discussion à l’heure actuelle. En novembre 2014, le projet était soumis à une validation technique ; il ne comportait pas une interdiction des châtiments corporels. Dans son rapport au Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes, en 2016, le gouvernement a déclaré que le Code pour les droits de l’enfant était en cours de préparation — il semblerait que cela faisait référence au même texte.[4] En février 2017, le projet de Code de la protection de l’enfant ne comprenait pas d’interdiction ; toutefois, durant un atelier organisé par le gouvernement sur ce projet, on a suggéré l’inclusion d’une disposition interdisant les châtiments corporels. Celle-ci doit désormais être validée par le gouvernement avant que le projet final soit présenté à l’Assemblée nationale. En août 2017, le Code faisait encore l’objet de discussions. [5]
Structures de protection de remplacement
Il n’existe pas d’interdiction explicite des châtiments corporels. Ces derniers sont autorisés par la loi comme lorsqu’ils sont dispensés par les parents (voir sous « Foyer »).
Garderies
Les châtiments corporels sont autorisés par la loi comme lorsqu’ils sont dispensés par les parents (voir sous « Foyer »).
Écoles
Le règlement des écoles interdirait les châtiments corporels,[6] information qu’il nous faudra vérifier.
Établissements pénitentiaires
Les châtiments corporels ne sont pas expressément interdits. Le nouveau Code de procédure pénale promulgué en 2013[7] n’aborde pas la question.
Peine criminelle
Les châtiments corporels en vertu d’une décision judiciaire ne sont pas prévus dans le Code pénal de 2009 ni dans le Code de procédure pénale de 2013.
[1] Loi n° 1/05 du 22 avril 2009 portant révision du Code pénal
[2] 30 juin 2016, CEDAW/C/BDI/Q/5-6/Add.1, Réponse à la liste des points concernant les cinquième et sixième rapports, par. 51
[3] 21 novembre 2012, A/HRC/WG.15/BDI/1, Rapport national au titre de l’Examen périodique universel, par. 82
[4] 30 juin 2016, CEDAW/C/BDI/Q/5-6/Add.1, Réponse à la liste des points concernant les cinquième et sixième rapports, par. 71
[5] [Août 2017], Rapport initial au Comité africain d’experts sur les droits et le bien-être de l’enfant, par. 10(9)
[6] 1er septembre 2010, CRC/C/BDI/Q/2/Add.1, Réponse à la liste des points ; 23 septembre 2014, CCPR/C/BDI/Q/2/Add.1, Réponse à la liste des points, par. 49 ; [août 2017], Rapport initial au Comité africain d’experts sur les droits et le bien-être de l’enfant, par. 82
[7] 23 septembre 2014, CCPR/C/BDI/Q/2/Add.1, Réponse à la liste des points, par. 49, par. 50
Examen périodique universel du bilan du Burundi en matière de droits de l’homme
Le Burundi a fait l’objet d’un examen dans le cadre du premier cycle de l’Examen périodique universel, en 2008 (3e session). Aucune recommandation n’a expressément porté sur les châtiments corporels. Cependant, les recommandations suivantes ont été faites, et ont été acceptées par le Burundi :[1]
« Poursuivre les efforts de promotion et de protection des droits de l’homme avec l’appui de la communauté internationale, aux niveaux bilatéral et multilatéral (Rwanda) ;
« Promouvoir pleinement la protection des droits de l’homme dans le pays (Nigeria) ».
Le deuxième cycle de l’examen a eu lieu en 2013 (15e session). Dans son rapport national, le gouvernement a déclaré que des campagnes de sensibilisation « pour interdire le châtiment corporel » sont régulièrement dirigées envers les familles, les institutions pour enfants et établissements pénitentiaires, que le règlement scolaire interdit le châtiment corporel, et que le Code pénal de 2009 « est soucieux de protéger l’enfant ».[2] Aucune recommandation spécifique en la matière n’a été formulée dans le cadre de l’examen.
Le troisième cycle de l’examen a eu lieu en 2018 (29e session). La recommandation suivante a été formulée :[3]
« Prendre des mesures législatives afin de mettre fin aux châtiments corporels dans tous les contextes (Zambie) ».
Le gouvernement a accepté la recommandation, affirmant de façon générale que les recommandations soutenues étaient (traduction non officielle) « d’un intérêt national prioritaire et que le Burundi prendrait toutes les mesures nécessaires pour les mettre en œuvre ».[4]
[1] 8 janvier 2009, A/HRC/10/71, Rapport du groupe de travail, par. 80(40) et 80(41)
[2] 21 novembre 2012, A/HRC/WG.6/15/BDI/1, Rapport national au titre de l’Examen périodique universel, par. 82
[3] 19 avril 2018, A/HRC/38/10, Rapport du groupe de travail, par. 137(110)
[4] 6 juin 2018, A/HRC/38/10/Add.1 Version préliminaire non revue par les services d’édition, Rapport du groupe de travail : additif, par. 7
Recommandations par les organes de traités
Comité des droits de l'enfant
(19 octobre 2010, CRC/C/BDI/CO/2, Observations finales sur le deuxième rapport, par. 39 et 40)
« Le Comité note avec intérêt que le nouveau Code pénal de 2009 a alourdi les peines prévues pour tout traitement cruel, inhumain et dégradant envers un enfant. Toutefois, il constate avec inquiétude que les châtiments corporels continuent d’être administrés dans certaines écoles et que la législation interne n’interdit pas expressément ces pratiques au sein de la famille, à l’école, dans les institutions pour enfants et en tant que mesure disciplinaire dans les établissements pénitentiaires.
« Le Comité exhorte l’État partie à prendre toutes les mesures nécessaires pour éliminer les châtiments corporels, et en particulier à :
a) revoir la législation actuelle en vue d’interdire expressément le recours aux châtiments corporels, en tout lieu, y compris dans la famille, à l’école, dans les institutions pour enfants et dans le système pénitentiaire ;
b) mener des campagnes publiques d’éducation, de sensibilisation et de mobilisation sociale, en coopération avec les médias, sur les effets nuisibles des châtiments corporels en vue de faire évoluer les mentalités dans ce domaine et de promouvoir des formes d’éducation positives, non violentes et participatives ;
c) entreprendre une étude globale en vue de déterminer les causes, la nature et l’ampleur des châtiments corporels ; et
e) tenir compte de son Observation générale n° 8 (2006) concernant le droit de l’enfant à une protection contre les châtiments corporels et les autres formes cruelles ou dégradantes de châtiments (art. 19, 28 [par. 2] et 37, entre autres) ».
Comité des droits de l'enfant
(16 octobre 2000, CRC/C/15/Add.133, Observations finales sur le rapport initial, par. 40 et 41)
« Le Comité note avec préoccupation que des châtiments corporels continuent d’être infligés aux enfants au sein de la famille et dans certaines écoles et que la législation interne n’interdit pas cette pratique.
« Le Comité recommande à l’État partie de tout mettre en œuvre, notamment de prendre des mesures législatives, de lancer des campagnes d’information et de mener des activités visant à promouvoir d’autres formes de sanctions respectant l’intégrité physique et mentale des enfants, afin de faire cesser les châtiments corporels dans les familles, à l’école, dans l’administration de la justice pour mineurs et dans les institutions assurant une protection de remplacement.
Comité des droits de l'homme
(21 novembre 2014, CCPR/C/BDI/CO/2, Observations finales sur le second rapport, par. 15)
« Le Comité constate avec préoccupation que les châtiments corporels continuent d’être pratiqués dans certaines écoles ainsi qu’au sein de la famille (art. 7 et 24).
L’État partie devrait prendre des mesures concrètes, y compris d’ordre législatif lorsque cela est approprié, afin de faire cesser les châtiments corporels dans tous les contextes. Il devrait encourager les formes non violentes de discipline à la place des châtiments corporels et mener des campagnes d’information pour sensibiliser la population aux effets préjudiciables de ces châtiments. »
Comité des droits économiques, sociaux et culturels
(9 octobre 2015, E/C.12/BDI/CO/1 Version préliminaire non revue par les services d’édition, Observations finales sur le rapport initial, par. 39 et 40, au 13 octobre 2015, en français uniquement)
« Le Comité note avec préoccupation qu’il n’existe pas d’interdiction explicite des châtiments corporels au sein de la famille et que ceux-ci restent largement tolérés et pratiqués dans la société, y compris à l’école, dans les institutions pour enfants et dans les établissements pénitentiaires (art. 10).
“Le Comité demande instamment à l’État partie de prendre les mesures législatives et autres pour interdire et prévenir les châtiments corporels infligés aux enfants en toutes circonstances, en particulier dans les écoles, dans les institutions assurant une protection de remplacement, dans les établissements pénitentiaires et au sein de la famille. »
Comité pour l'élimination de la discrimination à l'égard des femmes
(18 novembre 2016, CEDAW/C/BDI/CO/5-6, Observations finales sur le cinquième/sixième rapport, par. 34 et 35)
« Le Comité se félicite des mesures mises en place en vue du relèvement des taux de scolarisation et de rétention scolaire des filles, notamment l’adoption d’une politique de réintégration des filles à l’école après la grossesse, la création de programmes de cantines scolaires et la formation des enseignants et des élèves à la lutte contre les violences à l’égard des femmes. Néanmoins, il déplore : [...]
e) que les filles soient souvent victimes de violences sexuelles et sexistes sur le chemin de l’école, sur celui du retour à la maison ainsi que dans les locaux de l’école et que les auteurs de ces actes bénéficient régulièrement de l’impunité parce que les allégations portées ne font généralement l’objet d’aucune enquête.
« Dans le droit-fil de la cible 4.5 des objectifs de développement durable qui consiste à éliminer les inégalités entre les sexes dans le domaine de l’éducation, le Comité recommande à l’État partie :
e) de sensibiliser le public à l’importance de l’éducation pour les femmes et les filles, de renforcer la politique de tolérance zéro à l’égard des violences et du harcèlement sexuels en milieu scolaire et de veiller à en punir dûment les auteurs, à abolir en pratique les châtiments corporels et à assurer l’accès des victimes aux soins de santé, aux services psychologiques et aux réparations ;
f) de créer au sein de l’appareil éducatif un solide mécanisme de collecte de données ventilées par sexe portant sur l’éducation des personnes ayant des besoins particuliers, les taux nets de scolarisation et de rétention scolaire ainsi que les cas de violence sexuelle et sexiste commis en milieu scolaire, y compris leur règlement, et d’appliquer les précédentes recommandations du Comité (CEDAW/C/BDI/CO/4, par. 32). »
Études sur la prévalence/attitudinales au cours des dix dernières années
Entretiens avec des enfants en conflit avec la loi, des parents et des responsables de l'application de la loi, par Human Rights Watch en 2006-2007, ont constaté que de nombreux enfants avaient été battus et avaient subi d'autres mauvais traitements en détention.
(Human Rights Watch (2007), Paying the price: Violations of the rights of children in detention in Burundi)
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