Châtiments corporels des enfants en République centrafricaine

DERNIÈRE MISE À JOUR : avril 2018

 

Résumé des réformes juridiques nécessaires à l’obtention d’une interdiction totale  

L'interdiction doit encore être réalisée à la maison, dans les établissements de soin, dans les garderies, dans les écoles et les établissements pénitentiaires.

L'article 580 du code de la famille confirme le pouvoir des personnes investies de l'autorité parentale de « réprimander et de corriger » l'enfant; les dispositions légales contre la violence ne sont pas interprétées comme interdisant tous les châtiments corporels lors de l'éducation des enfants. L’acceptation quasi universelle du châtiment corporel dans la « discipline » des enfants nécessite une déclaration claire en droit interdisant tout châtiment corporel, même « léger ». Toutes les défenses légales étant pour le châtiment corporel devraient être abrogées.

Autres structures d'accueil – Une interdiction devrait être adoptée par le biais d'une législation applicable dans tous les types de structures d'accueil (familles d'accueil, établissements, lieux sûrs, soins d'urgence, etc.).

Garderies - Les châtiments corporels devraient être interdits dans toutes les garderies (crèches, garderies, jardins d'enfants, centres préscolaires, centres familiaux, etc.) et toutes les garderies pour les enfants plus âgés (centre d'accueil de jour, garde d'enfants après l'école, nourrices, etc.).

Écoles - L'interdiction devrait être adoptée dans tous les contextes éducatifs, publics et privés.

Établissements pénitentiaires - La législation devrait interdire les châtiments corporels en tant que mesure disciplinaire dans toutes les institutions accueillant des enfants en conflit avec la loi.

Légalité actuelle des châtiments corporels

Foyer

Le châtiment corporel est légal à la maison. L'article 580 du Code de la famille de 1997 indique que l'autorité parentale inclut le pouvoir de « réprimander et de corriger dans la mesure compatible avec l'âge et le niveau de compréhension de l'enfant ». Les dispositions contre la violence et l'abus dans le Code de la famille, le Code pénal de 2010, la Constitution de 2016, l'ordre impériale numéro 79/077 sur la protection de la jeunesse de 1979, et la loi numéro 280 de 1961 ne sont pas interprétées comme interdisant les châtiments corporels lors de l'éducation des enfants. La loi numéro 06.032 de 2006 sur la protection des femmes contre la violence définit la violence contre les femmes comme « comprenant tous les actes de violence dirigés contre les femmes et causant ou pouvant causer un effet néfaste ou des souffrances physiques, sexuelles ou psychologiques, y compris la menace de tels actes, contrainte ou privation arbitraire de liberté, que ce soit dans la vie publique ou privée » (article 1), mais elle n'interdit pas explicitement tous les châtiments corporels lors de l'éducation des enfants.

Un nouveau code de la famille a été élaboré mais doit encore être adopté par l'Assemblée nationale: nous n'avons pas encore vérifié les informations selon lesquelles il interdirait les châtiments corporels. Le code pénal est en cours de révision et un nouveau code de protection de l'enfance est en cours d'élaboration. L'article 57 du projet de code de la protection des enfants, comme envoyé au Comité des droits de l'enfant en décembre 2016, déclare que « l'enfant a le droit d'être protégé contre toutes les formes de violence. Les parents doivent appliquer la discipline familiale de manière à ce que l'enfant soit traité avec humanité. L'État veille à ce que la discipline soit appliquée de manière à ce que l'enfant soit traité avec humanité dans les écoles, les institutions publiques ou les institutions formelles privées » (traduction non officielle). Le gouvernement a déclaré en février 2017 que les châtiments corporels seraient interdits bientôt.[1]

 

Établissements de soins alternatifs

Les châtiments corporels sont légaux dans les établissements de protection de remplacement, qui disposent du pouvoir de l'autorité parentale de « réprimander et de corriger » l'enfant aux termes de l'article 580 du Code de la famille de 1997.

 

Garderie

Les châtiments corporels sont légaux dans les garderies, en vertu du pouvoir de ceux qui ont l'autorité parentale de « réprimander et de corriger » l'enfant, conformément à l'article 580 du Code de la famille de 1997.

 

Etablissements scolaires

Le châtiment corporel est légal dans les écoles. L'ordre impériale numéro 78/034 (1978) concerne la protection physique et morale des jeunes dans des établissements d'enseignement résidentiels ou des internats, mais il n'interdit pas les châtiments corporels.

 

Établissements pénitentiaires

Il n’y a pas d’interdiction explicite des châtiments corporels en tant que mesure disciplinaire dans les établissements pénitentiaires. Nous n'avons pas été en mesure d'examiner le texte entier du décret numéro 160087 du 18 février 2016 qui concerne l'organisation, le fonctionnement et le règlement intérieur des établissements pénitentiaires, mais rien n'indique qu'il interdit les châtiments corporels.

 

Peine sanctionnant une infraction

Le recours aux châtiments corporels comme peine pour sanctionner une infraction est illégal. Aucune disposition du Code pénal de 2010, du Code de procédure pénale de 2010 ni de la loi de 2002 relative au tribunal pour enfants n'autorise les tribunaux à condamner des coupables à des châtiments corporels.

 

[1] 7 février 2017, CRC/C/SR.2171, comptes rendus analytiques de la 2171e séance, par. 23

Archive de l'Examen périodique universel des droits de l'homme en République centrafricaine

La République centrafricaine a été examinée dans le premier cycle de l'Examen périodique universel en 2009 (session 5). Aucune recommandation n'a été faite concernant spécifiquement les châtiments corporels infligés aux enfants. Cependant, les recommandations suivantes ont été faites et acceptées par le gouvernement :[1]

« Poursuivre les efforts en vue de promouvoir tous les droits de l’homme et les libertés fondamentales universellement reconnus (Egypte) ;

«Prendre toutes les mesures possibles pour garantir le respect et la promotion du droit international des droits de l'homme, du droit international humanitaire et du droit international des réfugiés (Argentine) ;

«Prendre les mesures qui s’imposent pour adopter et modifier la législation, y compris le Code pénal, et appliquer efficacement cette législation en vue de protéger les enfants contre toutes les formes de violence (Slovénie)»

L'examen du deuxième cycle a eu lieu en 2013 (session 17). Aucune recommandation n’a expressément porté sur les châtiments corporels.  Cependant, les recommandations suivantes portant sur l’interdiction des châtiments corporels ont été faites et acceptées par le gouvernement :[2]

«Prendre les mesures nécessaires à l’échelle nationale pour garantir le respect des obligations prévues par les instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme auxquels l’État est partie (Afrique du Sud) ;

«Prendre toutes les mesures nécessaires pour assurer la protection des droits de l’enfant … (Luxembourg)»

 

[1] 4 juin 2009, Rapport du groupe de travail, par. 74(17), 74(19) et 74(31)

[2] 6 janvier 2014, A/HRC/25/11, Rapport du groupe de travail, par. 104(1) et 105(25)

Recommandations par les organes de traités

Comité des droits de l’enfant

(8 mars 2017, CRC/C/CAF/CO/2, observations finales du deuxième rapport, par. 6, 7, 38 et 39)

« Le Comité prend note du projet de loi sur la protection de l’enfant mais craint que certaines dispositions ne soient pas pleinement conformes à la Convention.

« Le Comité recommande à l’État partie de veiller à ce que le projet de loi sur la protection de l’enfant soit rapidement adopté et se conforme pleinement à la Convention et, en particulier, de veiller à ce que le langage employé tienne compte de la dimension du genre ; que l’interdiction de la discrimination englobe tous les motifs ; que les principes directeurs portant sur l’adoption soient dans l’intérêt supérieur de l’enfant ; que les châtiments corporels soit expressément interdits dans tous les contextes ; que les filles ne soient pas récriminées pour leurs choix de santé sexuelle et reproductive ;  et que les enfants victimes aient accès à des services de santé et de réadaptation physique et psychologique.»

 « Le Comité note l’intention de l’État partie d’interdire les châtiments corporels mais reste préoccupé par le fait qu’ils ne sont pas encore interdits dans tous les contextes, en particulier au domicile, dans le cadre de la protection de remplacement, dans les écoles et dans les institutions pénitentiaires, et s’alarme des degrés extrêmement élevés de violence employés pour "discipliner" les enfants.

« Au regard de son observation générale n°8 (2006) relative au droit de l’enfant à une protection contre les châtiments corporels et les autres formes cruelles ou dégradantes de châtiments, le Comité recommande à l’État partie :

(a) d’interdire les châtiments corporels dans tous les contextes dans le projet de loi sur la protection de l’enfant ;

(b) de réviser sa législation, en particulier le Code de la famille de 1997, le Code pénal de 2010, la Constitution de 2004, l’ordonnance impériale n°79/077 portant protection de la jeunesse de 1979 et la loi n°280 de 1961, afin que celle-ci comprenne l’interdiction des châtiments corporels dans l’éducation des enfants ;

(c) de promouvoir des formes positives, non violentes et participatives d’éducation des enfants et de discipline. »

 

Comité des droits de l’enfant

(18 octobre 2000, CRC/C/15/Ajout.138, Observations finales concernant le rapport initial, par. 44 et 45)

« Le Comité est préoccupé par des incidents de brutalité policière et de châtiments corporels commis sur des enfants, notamment à Bangui.

« Le Comité recommande à l’État partie de mettre fin à tous les actes de violence contre les enfants, y compris les châtiments corporels, commis, entre autres, par des membres des forces de police. Le Comité recommande également à l’État partie de proposer des programmes de formation sur les droits des enfants à destination des agents de police et de détention. »

 

Comité des droits économiques, sociaux et culturels

([Mars 2018], E/C.12/CAF/CO/1 Version préliminaire non éditée, Observations finales concernant le rapport initial, par. 35 et 36, en Français uniquement)

« Le Comité est préoccupé par le fait que l'article 580 du Code de famille paraît autoriser les châtiments corporels au sein de la famille et dans les structures de protection de l’enfance (art. 10).

« Le Comité recommande à l’Etat partie d’amender sa législation afin d’interdire explicitement les châtiments corporels dans toutes les circonstances, et d'assurer l'application effective de cette interdiction. »

Études sur la prévalence/attitudinales au cours des dix dernières années

Une enquête réalisée auprès de 2643 enfants âgés de 10 à 17 ans au sein de 975 foyers a révélé que près de la moitié (49,19 %) d’entre eux avait subi des châtiments corporels, le plus souvent infligés par leur père (56,5 %) et par leur mère (36,11 %).

(Mande Djapou, F. (2013), Châtiment Corporel des Enfants en République Centrafricaine 2012-2013, Réseau National des ONG de Jeunesse en Droits de l’Homme)

Une étude portant sur 765 personnes de 10 ans et plus ayant fréquenté des établissements scolaires ou d’enseignement supérieur a révélé que parmi les 47,2 % de personnes interrogées (50,9 % d’hommes et 45 % de femmes) qui avaient été frappées, giflées ou battues à l’école au cours de l’année passée, 32,9 % des hommes et 34 % des femmes ont déclaré que l’auteur était un enseignant ou un autre membre du personnel de sexe masculin et 2,7 % des hommes et 4,6 % des femmes ont déclaré que l’auteur était un enseignant ou un autre membre du personnel de sexe féminin.

(Mimche, H. & Tanang, P. (2013), « Les violences basées sur le genre à l’école en République centrafricaine », Recherches & Educations, 8, 49-63)

Selon des statistiques recueillies en 2010-2011 dans le cadre du quatrième tour du programme d’enquête à indicateurs multiples (MICS4) de l’UNICEF, 92 % des enfants âgés de 2 à 14 ans avaient subi des formes de « discipline » violente (châtiments corporels et/ou agression psychologique) à leur domicile au cours du mois précédant l’enquête. Plus de huit enfants sur dix (81 %) ont subi des châtiments corporels, alors qu’un pourcentage plus faible (30 %) de mères et d’aidants pensait que les châtiments corporels étaient nécessaires à l’éducation des enfants. Trente-sept pour cent des enfants avaient subi des châtiments corporels sévères (coup au visage, à la tête ou aux oreilles ou de façon répétée avec un instrument) tandis que 84 % avaient fait l’objet d’agressions psychologiques (cris, hurlements ou insultes).

(L’Institut Centrafricain des Statistiques, et des Etudes Economiques et Sociales (2012), Enquête par grappes à indicateurs multiples MICS, RCA 2010, Bangui: ICASEES)

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