Châtiments corporels des enfants aux Comores

DERNIÈRE MISE À JOUR : mars 2020

 

Résumé de la réforme juridique nécessaire pour parvenir à une interdiction totale

L'interdiction doit encore être appliquée dans le cadre familial, dans les structures d'accueil des enfants, dans les garderies, dans les écoles, dans les établissements pénitentiaires et éventuellement en tant que sanction pénale.

L'article 106 du Code de la famille de 2005 confirme le pouvoir qu'ont les parents et les personnes jouissant de l'autorité parentale de "sermonner [les enfants] en excluant les sévices et la torture". Cette disposition devrait être abrogée/modifiée afin de supprimer tout élément en faveur du recours aux châtiments corporels dans le cadre de l'éducation des enfants. Il convient d'interdire tous les châtiments corporels et autres formes de châtiments cruels ou dégradants dans le cadre familial et au sein de toutes les autres structures où des adultes exercent une autorité sur les enfants.

Autres structures d'accueil - L'interdiction du châtiment corporel devrait être promulguée dans toutes les structures d'accueil (familles d'accueil, institutions, refuges, soins d'urgence, etc.).

Garderie - Les châtiments corporels doivent être interdits dans toutes les structures d'accueil des jeunes enfants (crèches, écoles maternelles, établissements préscolaires, centres familiaux, etc.) et toutes les garderies pour les enfants plus âgés (centres d'accueil de jour, garde d'enfants après l'école, nourrices, etc.).

Écoles - L'interdiction des châtiments corporels devrait être promulguée dans la législation et être applicable à tous les établissements d'enseignements (publics et privés).

Établissements pénitentiaires – Les châtiments corporels en tant que mesures disciplinaires devraient être interdits dans tous les établissements accueillant des enfants en conflit avec la loi.

Sanction pénale – Tous les châtiments corporels infligés en vertu d'une décision judiciaire devraient être interdits, y compris par la charia et par les systèmes judiciaires coutumiers traditionnels.

Légalité actuelle des châtiments corporels

Cadre familial

Les châtiments corporels sont légaux dans le cadre familial. Conformément aux dispositions relatives à l'autorité parentale prévues par le Code de la famille de 2005, les parents et les personnes jouissant de l'autorité parentale ont le pouvoir de "sermonner en excluant les sévices et la torture" (“Leur pouvoir consiste à le sermonner en excluant les sévices et la torture”) (art. 106). Les articles 297 et 298 du Code pénal de 1982 punissent les actes de violence à l'encontre des enfants, à l'exclusion des violences "légères" ; les violences légères sont punies en vertu de l'article 12, point 7, de la loi n°81/007 (Code des contraventions de 1981), mais rien n'indique que la sanction s'applique aux châtiments corporels que les parents infligent aux enfants. Les dispositions relatives à la violence et aux sévices figurant dans le Code de la famille, la loi de 2005 sur la protection de l'enfance ainsi que la Constitution de 2018, qui affirment le droit de l'enfant à être protégé de toute forme de violence, ne sont pas interprétées comme portant interdiction de tous les châtiments corporels dans le cadre de l'éducation des enfants.

Le gouvernement a à la fois accepté et rejeté les recommandations visant à interdire les châtiments corporels dans le cadre familial et dans les établissements scolaires formulées lors de l'examen périodique universel (EPU) en 2009.[1] En 2014, le gouvernement s'était engagé à promulguer une loi d'interdiction en acceptant clairement les recommandations formulées lors du 2ème cycle de l'EPU qui visent à interdire les châtiments corporels en toutes circonstances, et en déclarant que le nouveau Code pénal en cours d'examen comporte des dispositions qui criminalisent les châtiments corporels.[2] Les projets de modifications ont été soumis au parlement en octobre 2013. En acceptant les recommandations de 2014, le gouvernement a déclaré qu'il ferait tout ce qui était en son pouvoir pour atteindre les objectifs fixés dans ces recommandations et, dans cette perspective, a demandé l'aide de la communauté internationale.[3] En mai 2017, le gouvernement a indiqué au Comité africain d'experts sur les droits et le bien-être de l'enfant que le nouveau Code pénal avait été adopté en 2014 et qu'il interdit tout châtiment corporel - ce Code n'a toutefois pas encore été promulgué par le président et n'est donc pas en vigueur. Nous ne parvenons pas à obtenir une copie du texte pour vérifier cette information et établir s'il est question du "pouvoir de sermonner" dans le Code de la famille.

Au cours de l’EPU de 2019, en réponse aux recommandations visant à interdire et à éliminer les châtiments corporels infligés aux enfants, le gouvernement a déclaré que (traduction non officielle) « les parents ou les enseignants dans les écoles n’avaient pas recours aux châtiments corporels. Ce phénomène était une exception. »[4] Le Gouvernement a par la suite pris note de ces recommandations, précisant que la priorité devait être donnée à la sensibilisation pour convaincre la population de la nécessité d’interdire tous les châtiments corporels.[5] Par conséquent, l’Initiative Globale ne considère plus que les Comores s’engagent à interdire sans délai tous les châtiments corporels infligés aux enfants.

 

Structures de protection de remplacement

Les châtiments corporels ne sont pas illégaux au sein des institutions de protection de remplacement en vertu de l’article 106 du Code pénal tel que modifié en 2005 (voir “Domicile”).

 

Garderie

Les châtiments corporels ne sont pas illégaux dans les soins à la petite enfance et dans les soins de jour pour les enfants plus âgés sous l'autorité de ceux qui ont l'autorité parentale 'd'admonester' les enfants en vertu de l’article 106 du Code pénal tel que modifié en 2005 (voir “Domicile”).

 

Etablissements scolaires

Les châtiments corporels à l'école ne sont pas expressément interdits.

 

Établissements pénitentiaires

Les châtiments corporels ne sont pas explicitement interdits comme mesure disciplinaire dans les établissements pénitentiaires.

 

Condamnation pour délit

Les châtiments corporels sont illicites lors d'une condamnation pour une infraction: ni le Code pénal de 1982, ni le Code de protection de l'enfant de 2005, ne contiennent aucune disposition relative aux châtiments corporels dans le cadre du système judiciaire. Nous n'avons pas encore confirmé que le châtiment corporel ne peut être prononcé  par la charia ou dans le droit coutumier.

 

[1] 3 juin 2009, A/HRC/12/16, Rapport du groupe de travail, par. 65 (31) et 66(2)

[2] 15 avril 2014, A/HRC/26/11/Add.1, Rapport du groupe de travail: Avenant, par. 13; voir aussi 8 novembre 2013, A/HRC/WG.6/18/COM/1, Rapport national à l'EPU, par. 120

[3] 19 septembre 2014, A/HRC/26/2, version non éditée, Rapport du Conseil des droits de l'homme sur sa vingt-sixième session, par. 661

[4] 25 avril 2019,, A/HRC/41/12, Rapport du groupe de travail, par. 114

[5] 21 juin 2019, A/HRC/41/12/Add.1 Advance version, Rapport du groupe de travail : Addenda, paragr. 17, 18, 19, 20, 21 et 22

L'Examen périodique universel du bilan des Comores en matière de droits de l'homme

Les Comores ont étés examinés dans le premier cycle de l'Examen périodique universel en 2009 (session 5). Les recommandations suivantes ont été faites et ont été acceptées par le gouvernement:[1]

'Porter une attention à l'adoption d'une législation interdisant le recours aux châtiments corporels d'enfants dans la famille et à l'école, et favorisant d'autres formes de discipline (Brasil); prendre des mesures concrètes par la loi pour prévenir et combattre les sévices aux enfants et la maltraitance envers les enfants au sein des familles, à l'école, dans d'autres institutions et dans la société dans son ensemble, et officiellement interdire par la loi le recours aux châtiments corporels dans la famille et à l'école (Allemagne)'

Cependant, le gouvernement a rejeté la recommandation similaire suivante:[2]

« Inclure dans sa législation une interdiction spécifique du recours aux châtiments corporels au sein de la famille et à l'école (Slovénie) »

Le deuxième cycle d'examen des Comores a eu lieu en 2014 (Séance 18). Dans son rapport national, le gouvernement a donné suite aux recommandations précédentes concernant les châtiments corporels, déclarant: « l'Union des Comores a également réexaminé sa position sur le recours aux châtiments corporels au sein de la famille et à l'école et a pris les mesures appropriées [ ... ] Les châtiments corporels infligés par la famille et à l'école (recommandation no 2, Slovénie) ne sont pas une pratique dans la société comorienne. L'Union des Comores est un pays de tolérance et de non-violence habité par une population pacifique, imprégnée des idéaux humanistes de la religion et des traditions de paix, de solidarité et de pardon. Dans chaque village, les structures traditionnelles qui étaient la vie de communauté assurent la tranquillité et la coexistence. Il y a des sanctions de nature sociale. Dans un pays où règne le culte de l'honneur et de la dignité, chacun adhère volontairement à ces normes. Blesser volontairement constitue une infraction au Code criminel. La révision du Code pénal prévoit des dispositions prohibant les châtiments corporels envers les enfants et les personnes vulnérables. L'Inspection pédagogique veille sur la vie scolaire et éducative dans les écoles."[3]

Les recommandations suivantes ont été faites :[4]

"D'adopter les projets de loi qui interdisent expressément les châtiments corporels à l'égard des enfants dans tous les contextes, notamment au domicile (Slovénie);

"Interdire, par la loi, toutes les formes de violence contre les enfants, y compris les châtiments corporels, et fixer un âge minimum légal se marier (Portugal),

« Prendre les mesures nécessaires pour interdire le recours aux châtiments corporels contre les enfants (France)»

Le gouvernement a accepté les recommandations, indiquant que « le nouveau Code pénal en cours d’adoption contient des dispositions visant à criminaliser les châtiments corporels ».[5]

Le troisième cycle d’examen des Comores a eu lien en 2019 (Séance 32). Les recommandations suivantes ont été ajoutées :[6]

”Promulguer une loi interdisant explicitement les châtiments corporels des enfants dans tous les contextes, y compris à l’école et à la maison (Chili); 

« Promulguer une loi qui interdit explicitement les châtiments corporels des enfants dans tous les contextes, y compris à la maison, et abroger toutes les défenses juridiques pour leur utilisation (Croatie);

« Prendre d’autres mesures pour éliminer les châtiments corporels des enfants dans tous les contextes (Namibie);

« Interdire explicitement les châtiments corporels envers les enfants dans tous les milieux de la société, y compris à la maison, et abroger toutes les exemptions légales qui autorisent leur utilisation (Uruguay)”

Le Gouvernement a pris note des recommandations, affirmant que même s’il était lui-même convaincu des effets néfastes des châtiments corporels sur les enfants, la priorité devait être donnée à une campagne de sensibilisation avant de pouvoir envisager une réforme du droit.[7]

 

[1] 3 juin 2009, A/HRC/12/16, rapport du groupe de travail, par. 65(31)

[2] 3 juin 2009, A/HRC/12/16, rapport du groupe de travail, par. 66(2)

[3] 8 novembre 2013, A/HRC/WG.6/18/COM/1, Rapport national à l'EPU, par. 62, 118, 119 et 120

[4] 4 février 2014, A/HRC/WG.6/18/L.9, Projet de rapport du groupe de travail, par. 112(4), 112(5) et 112(9)

[5] 15 avril 2014, A/HRC/26/11/Add.1, Rapport du groupe de travail: Avenant, par. 13

[6] 25 avril 2019, A/HRC/41/12, Rapport du groupe de travail, paragr. 199(9), 119(10), 199(11) et 119(13)

[7] 21 juin 2019, A/HRC/41/12/Add.1 Advance version, Rapport du groupe de travail : Addenda, paragr. 17, 18, 19, 20, 21 et 22

Recommandations des organes conventionnels des droits de l’homme

Comité des droits de l’enfant

(23 octobre 2000, CRC/C/15/Add.141, observations finales sur le rapport initial, par. 31 et 32)

« Des inquiétudes ont été exprimées concernant le manque de connaissance en rapport avec les conséquences néfastes des mauvais traitements et des abus d’enfants, y compris sexuels, tant au sein qu’en dehors de la famille. Tout en sachant que le Code de la famille projet vise la protection de la dignité de l’enfant, le Comité craint que la pratique des châtiments corporels à la maison soit socialement et légalement acceptée, en particulier pour les garçons. La pratique des châtiments corporels dans les écoles coraniques est également un sujet de préoccupation.

« Le Comité recommande à l'état partie de prendre des mesures efficaces pour prévenir et combattre la maltraitance et les sévices infligés aux enfants au sein de la famille, à l'école et dans d'autres institutions, ainsi que dans la société en général. En outre, des programmes d'éducation devraient être mis en place pour lutter contre les comportements traditionnels de la société dans ce domaine. En particulier, le Comité recommande à l'état partie d'inclure dans sa législation une interdiction particulière des châtiments corporels au sein de la famille et à l'école. Le Comité invite l'état partie à envisager de solliciter une coopération internationale à cet effet avec, entre autres, l'UNICEF et des organisations non-gouvernementales internationales. »

 

Le Comité africain d'experts sur les droits et le bien-être de l'enfant

([Juillet 2017], observations finales sur le rapport initial, para. 18, en Français seulement)

« Le Comité reconnaît les efforts déployés par l'État partie pour protéger les enfants contre les abus et la torture. Toutefois, le Comité note avec préoccupation que les châtiments corporels sont toujours infligés aux enfants dans les milieux familiaux et scolaires. Le Comité note avec une grande préoccupation que le Code pénal de l’État partie légalise les châtiments corporels infligés aux enfants en milieu familial ou scolaire en tolérant l’usage des corrections « légères ». Le Comité souhaite clarifier que la CADBE interdit toutes les formes de châtiments corporels indépendamment de la fréquence ou de la gravité de la peine infligée. Par conséquent, le Comité recommande vivement à l'État partie de:

  1. Interdire les châtiments corporels dans tous les milieux, notamment en famille, à l’école et dans d'autres établissements de soins alternatifs;
  2. Amender la disposition du code pénal qui légalise les châtiments corporels en milieu familial et scolaire et de proscrire les châtiments corporels sous le régime juridique comorien;
  3. Proscrire explicitement toutes les formes de châtiments corporels du Code pénal et d’infliger des sanctions aux personnes qui les pratiquent à l’égard des enfants;
  4. Sensibiliser la société sur la parentalité positive et à la discipline des enfants. »

Études sur la prévalence/attitudinales au cours des dix dernières années

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