Châtiments corporels des enfants en République démocratique populaire lao

DERNIÈRE MISE À JOUR : octobre 2018

 

Résumé de la réforme juridique nécessaire pour parvenir à une interdiction totale

L’interdiction doit encore être appliquée dans le cadre familial, au sein des différentes structures d’accueil, des garderies et des institutions pénales.

Nous n'avons pas pu définir si la législation écrite confirme ou non un "droit" des parents et tiers à administrer un "châtiment raisonnable" pour punir un enfant, mais les lois visant à lutter contre la violence et les maltraitances ne sont pas interprétées comme interdisant tous les châtiments corporels. L'acceptation généralisée d'un certain degré de violence dans l'éducation des enfants exige une clarté juridique pour qu'aucun châtiment corporel ne soit acceptable ou licite. Il est impératif d'adopter l'interdiction de tout châtiment corporel, y compris ceux infligés par la famille.

Structures d'accueil alternatives – L'interdiction des châtiments corporels doit être adoptée dans toutes les structures d'accueil (familles d’accueil, institutions, orphelinats, domiciles des enfants, lieux de sûreté, services d’urgence, etc.).

Garderies - Les châtiments corporels devraient être interdits dans toutes les garderies pour jeunes enfants (garderies, maternelles, crèches, centres familiaux, etc.) et tous les centres d’accueil pour les enfants plus âgés (centre d'accueil de jour, garde d'enfants après l'école, nourrices, etc.).

Établissements pénitentiaires – L'interdiction des châtiments corporels doit être adoptée dans tous les établissements d'accueil d'enfants en conflit avec la loi.

Légalité actuelle des châtiments corporels

Foyer

Les châtiments corporels sont autorisés par la loi s'ils sont administrés à domicile. Les articles 90 et 91 du Droit pénal de 2005 punissent les coups et blessures causés par négligence mais la loi n'interdit pas expressément toutes les formes de châtiment corporel, légères ou non. L'article 32 du Droit de la famille de 2008 prévoit le retrait des droits parentaux pour usage de violence : "Les parents doivent éduquer leurs enfants à être patriotiques, progressistes et à mener des vies pures ainsi qu'à s'engager dans des activités utiles à la société. Si les parents ne respectent pas leur obligation à éduquer leurs enfants, outrepassent leurs droits parentaux ou font usage de la violence ou de maltraitance envers les enfants ... le tribunal peut retirer les droits parentaux ou filiaux  sur la base de l'article 59 du Code de procédure civile." Mais comme mentionné précédemment, la réforme juridique actuelle ne bannit pas tous les châtiments corporels infligés dans le cadre de l'éducation des enfants. Les dispositions relatives à la lutte contre la violence et la maltraitance dans la Loi sur la protection et les droits et intérêts des enfants de 2006 et la Loi sur le développement et la protection des femmes de 2004 ne sont pas interprétées comme étant des interdictions de tous les châtiments corporels dans l'éducation de l'enfant.

Le gouvernement a reporté en 2015 au Comité des droits de l'enfant qu'un Plan national de prévention et d'élimination des violences contre les femmes et les enfants 2014-2020 a été adopté et concerne toutes les formes de violences dans toutes les situations.[1] Bien que le Plan national de prévention et d'élimination des violences contre les femmes et les enfants de 2014-2010  mentionne les châtiments corporels, sa définition semble se restreindre aux actes de violence ayant pour but de "causer des douleurs ou des blessures" et n'engage pas d'interdiction de l'appliquer dans le cadre familial. Il a aussi été noté qu'une nouvelle loi sur la prévention et la lutte contre la violence sur les femmes et les enfants a été adoptée par l'Assemblée nationale le 23 décembre 2014 et interdit toutes les formes de violence dans tous les contextes, y compris dans le cadre familial.[2] Cette nouvelle loi a été promulguée en janvier 2015,[3] mais elle n'interdit pas explicitement tous les châtiments corporels. 

Un nouveau Code pénal a été adoptée par l'Assemblée nationale en mai 2017, mais n'a pas encore été promulgué car il est en cours de modification technique. L'article 263 qui y figure punit "les punitions corporelles et psychiques" décrites comme "le tabassage, les coups, l'entrave, l'emprisonnement, la privation de nourriture, les travaux forcés dépassant les limites raisonnables, l'infidélité, les abus sexuels" (traduction non-officielle).[4] Il ne semble pas inclure les formes de châtiments corporels 'plus légères' qui ne sont pas considérées comme violentes dans la plupart des cas. L'interdiction explicite de toutes les formes de châtiments corporels, quelle que soit leur légèreté, doit être mise en place afin d'assurer la protection sans équivoque de tous les enfants.

 

Autres structures d'accueil

Les châtiments corporels ne sont pas interdits dans les milieux de prise en charge alternative : cela est légal tout comme ça l'est pour les parents (voir "À domicile").

 

Garderies

L'article 47 de la loi de 2007 sur l'éducation rend les châtiments corporels illégaux dans le cadre de l'éducation des jeunes enfants (voir "Etablissements scolaires"), mais il n'y a pas d'interdiction explicite des châtiments corporels dans les autres types de garderies pour jeunes enfants et dans les centres pour les enfants plus âgés, où ils sont légaux comme pour les parents (voir "À domicile").

 

Écoles

Selon l'article 47 de la Loi sur l'éducation de 2007, les châtiments corporels sont illégaux, bien que cela ne soit pas explicité (traduction non-officielle) : "les professeurs ont interdiction de... (4) Battre, insulter, maltraiter et ne pas se montrer équitable envers les apprenants.” En outre, l'article 27 de la Loi sur la protection des droits et des intérêts des enfants de 2006 atteste de la volonté politique de l'État à créer des établissements scolaires favorables au développement des enfants et dans lesquels les étudiants sont à l'abri des châtiments corporels : "L'État a pour politique la création d'établissements scolaires respectueux des enfants, qui sont aimés par ces derniers et qui leur donnent envie d'apprendre. Un établissement scolaire respectueux des enfants est un environnement adapté [où les enfants sont] à l'abri de l'usage de la violence, des châtiments corporels et des paroles ou des actes inappropriés affectant la dignité des enfants...".

Plan national de prévention et d'élimination des violences contre les femmes et les enfants de 2014-2010 mentionne plusieurs mesures de prévention contre les châtiments corporels à l'école.

 

Établissements pénitentiaires

L'usage des châtiments corporels en tant que mesure disciplinaire est considéré illégal au sein des institutions pénales, mais il n'existe aucune interdiction explicite. L'article 171 de la Loi pénale de 2005 punit "la violence physique et la torture, ou toutes autres mesure ou acte en contradiction avec la loi, contre les suspects ou les prisonniers pendant l'arrestation, le procès ou l'exécution de la peine". L'article 51 de la loi de 2006 sur la protection des droits et des intérêts des enfants liste les droits des jeunes délinquants, l'article 62 interdit "toute forme de violence" à l'encontre des enfants en détention, et l'article 75 liste les droits des enfants en centre de formation professionnelle, mais ne fait aucune référence aux châtiments corporels. L'article 12 de la Loi de procédure pénale de 2012 déclare qu'il est interdit de "contraindre, menacer, d'atteindre à l'intégrité physique ou de torturer un suspect ou un accusé lors des procédures judiciaires" (traduction non-officielle).

La loi de 2013 sur les procédures pénales applicables aux mineurs établit que les enfants doivent être protégés des préjudices physiques lors des procédures (art. 7), et que les enfants en centre de formation professionnelle pour jeunes délinquants disposent du droit d'être "protégés de toutes forme de torture, de maltraitance, d'abus de pouvoir, de négligence et de punitions inappropriées" (art. 103).

 

Peine criminelle

L'application de châtiments corporels comme sanction pénale est illégale. L'article 27 de la Loi pénale de 2005 indique que "les punitions ne doivent pas avoir pour but de générer des souffrances physiques ou porter atteinte à la dignité humaine", et ni cette loi ni la loi de 2006 sur la protection et les droits et intérêts des enfants ne comportent de clause pour les châtiments corporels dans le cadre judiciaire. L'article 89 de la loi de 2013 sur les procédures pénales applicables aux mineurs établit que les enfants ne peuvent être condamnés à mort.

 

[1] 12 mai 2015, CRC/C/OPSC/LAO/Q/1/Add.1, Réponse à la liste des points à traiter, par. 4

[2] 12 mai 2015, CRC/C/OPSC/LAO/Q/1/Add.1, Réponse à la liste des points à traiter, par. 5

[3] http://www.unwomen.org/~/media/headquarters/attachments/initiatives/stepitup/commitments-speeches/laopdr-stepitup-commitmentspeech-201509-en.pdf?v=1&d=20150927T224250, consulté le 14 octobre 2015

[4] Informations fournies à Global Initiative, janvier 2018

Examen périodique universel du bilan en République démocratique populaire lao en matière de droits de l'homme

La République démocratique populaire lao a été examinée pour la première fois lors du premier cycle de l'examen périodique universel en 2010 (session 8). Aucune recommandation n'a été faite concernant les châtiments corporels contre les enfants. Cependant, les recommandations suivantes ont été faites et ont été acceptées par le gouvernement :[1]

"Harmoniser la législation nationale avec les obligations internationales en vertu des conventions respectives (Allemagne) ;

"Poursuivre les efforts afin de s'assurer que les clauses des conventions internationales sur les droits de l'homme dont il est signataire soient incorporées au droit intérieur (Thaïlande)"

Le second cycle de l'examen a eu lieu en 2015 (session 21). Aucune recommandation n'a été spécifiquement formulée concernant les châtiments corporels, mais le gouvernement a accepté les recommandations visant à harmoniser ses lois avec les normes internationales relatives aux Droits de l'homme, notamment par la révision du Code pénal, pour s'assurer que les nouvelles lois soient conformes aux normes internationales relatives aux Droits de l'homme et pour prendre des mesures supplémentaires pour la protection des enfants.[2]

 

[1] 15 juin 2010, A/HRC/15/5, Rapport du groupe de travail, paragraphes 96(5) et 96(6)

[2] 23 mars 2015, A/HRC/29/7, Rapport du groupe de travail, paragraphes 121(37), 121(38), 121(39), 121(44) et 121(45)

Recommandations par les organes de traités

Comité des droits de l’enfant

(11 octobre 2018, CRC/C/LAO/CO/3-6 Version préliminaire non éditée,  observations finales sur le troisième/sixième rapport, par. 22)

« Le Comité prend note avec satisfaction de l'adoption en 2015 de la Loi sur la prévention et la lutte contre la violence à l'égard des femmes et des enfants, qui interdit toutes les formes de violence à l'égard des femmes et des enfants dans tous les contextes, mais est préoccupé par le fait que les châtiments corporels sont toujours pratiqués dans l'État partie. Rappelant son observation générale n° 8 (2006) sur le droit de l'enfant à une protection contre les châtiments corporels et les autres formes cruelles ou dégradantes de châtiments, le Comité recommande à l'État partie de veiller à ce que les châtiments corporels, aussi légers soient-ils, infligés aux enfants quelque soit le contexte, soient expressément interdits dans le projet de Code pénal. En outre, le Comité recommande à l'État partie de mettre en œuvre des programmes de sensibilisation à l'intention des parents, des professionnels et du public en général afin de promouvoir des formes positives, non violentes et participatives d'éducation et de discipline des enfants comme alternative aux châtiments corporels. Les programmes devraient comprendre une sensibilisation aux effets physiques et psychologiques néfastes des châtiments corporels.»

 

Comité des droits de l'enfant

(8 avril 2011, CRC/C/LAO/CO/2, Observations finales sur le deuxième rapport, paragraphes 38 et 39)

« Tout en notant que les châtiments corporels sont interdits dans les écoles primaires, le Comité est préoccupé par les informations faisant état d'enseignants utilisant les châtiments corporels comme un moyen pour faire régner la discipline. Le Comité est également préoccupé par le fait que les châtiments corporels sont légaux à la maison et ne sont pas interdits dans les institutions de protection de remplacement.

Comité recommande à l'État partie :

a) d'interdire explicitement par la loi toutes les formes de châtiments corporels infligés aux enfants dans tous les contextes, y compris dans le cadre familial, à l'école et dans les autres structures de protection de remplacement pour les enfants, et d'appliquer effectivement ces lois ;

b) de promouvoir activement le recours à d'autres formes de discipline dans le respect de la dignité humaine de l'enfant, en vue de sensibiliser l'opinion publique au droit de l'enfant à la protection contre tous les châtiments corporels et de réduire l'acceptation par le public de son utilisation dans l'éducation des enfants.

c) de tenir compte de l'observation générale n° 8 (2006) du Comité sur le droit de l'enfant à une protection contre les châtiments corporels et autres formes cruelles ou dégradantes de châtiments (CRC/C/GC/8). »

 

Comité des droits de l'enfant

(10 octobre 1997, CRC/C/15/Add.78, Observations finales sur le rapport initial, paragraphes 20 et 44)

« Le Comité est préoccupé par le manque de sensibilisation et d'information sur les mauvais traitements et les sévices infligés aux enfants, y compris les sévices sexuels, tant à l'intérieur qu'à l'extérieur du cadre familial, et par l'absence de mesures et de mécanismes appropriés pour prévenir et combattre ces abus. L'absence de structure spéciale pour les enfants victimes de sévices et leur accès limité à la justice est également préoccupante, de même que l'absence de mesure de réadaptation pour ces enfants. La persistance des châtiments corporels au sein de la famille et leur acceptation par la société est également un sujet de préoccupation.

« Au regard de l'article 19 de la Convention, le Comité recommande en outre à l'État partie de prendre toutes les mesures appropriées, y compris la révision de la législation, pour prévenir et combattre les mauvais traitements au sein de la famille et les sévices sexuels subis par les enfants. Il suggère, entre autres, que les autorités lancent une étude approfondie sur les abus, les mauvais traitements et la violence familiale afin de mieux comprendre la nature et l'ampleur du problème, et qu'elles mettent en place des programmes sociaux pour prévenir tous les types d'abus envers les enfants ainsi que pour la réadaptation des enfants victimes. L'application de la loi devrait être renforcée en ce qui concerne ces crimes ; des procédures et des mécanismes adéquats devraient être mis en place pour traiter les plaintes pour maltraitance d'enfants, tels que des équipes multidisciplinaires pour traiter les affaires, des règles de preuve particulières, des enquêteurs spéciaux ou des pôles communautaires de référence. »

Études sur la prévalence/attitudinales au cours des dix dernières années

Selon les statistiques de l'UNICEF recueillies en 2011-2012, 76 % des enfants âgés de 2 à 14 ans ont subi une « discipline » violente (châtiments corporels ou agression psychologique) à la maison au cours du mois précédant l'enquête. 44 % ont subi des châtiments corporels et 71 % ont subi des agressions psychologiques (se faire crier ou hurler dessus, ou se faire insulter). Un pourcentage plus faible (42 %) de mères et de personnes qui s'occupent des enfants pensent que les châtiments corporels sont nécessaires dans l'éducation des enfants.

(UNICEF (2014), Caché à la vue de tous : une analyse statistique de la violence contre les enfants, NY : UNICEF)

Un rapport de Human Rights Watch de 2011 fait état de passages à tabac et d'autres châtiments inhumains et dégradants au centre de Somsanga, où des consommateurs de drogues, des sans-abri, des enfants des rues et des personnes souffrant d'un handicap mental étaient détenus. Le rapport se fonde sur des entretiens avec 12 anciens détenus, dont quatre étaient des enfants au moment de leur détention, et huit membres, anciens ou actuels, du personnel d'organisations internationales.

(Human Rights Watch (2011), Les secrets de Somsanga : détentions arbitraires, violences physiques et suicides dans un centre laotien de détention pour toxicomanes)

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