Châtiments corporels des enfants à Madagascar

DERNIÈRE MISE À JOUR : avril 2019

 

Résumé des réformes juridiques nécessaires à l’obtention d’une interdiction totale

L’interdiction doit encore être appliquée dans le cadre familial, les différentes structures d’accueil, les garderies et les établissements pénitentiaires.

Nous n’avons pu déterminer si la législation légalise ou non le droit des parents ou des tiers de punir ou de corriger un enfant, mais les dispositions légales visant à prévenir la violence et la maltraitance ne sont pas interprétées comme interdisant le châtiment corporel des enfants. L’acceptation quasi universelle d’un certain degré de violence dans l’éducation des enfants exige une clarté juridique sur le fait qu’aucun châtiment corporel n’est acceptable ou licite. Toutes les justifications juridiques doivent être abrogées et l’interdiction de tous les châtiments corporels par les parents ou personnes ayant une autorité parentale doit être promulguée.

Structures de protection de remplacement – L’interdiction doit être adoptée dans la législation applicable à toutes les structures de protection de remplacement (familles d’accueil, institutions, lieux sûrs, gardes d’urgence, etc.).

Garderie — L’interdiction doit être adoptée dans la législation applicable à toutes les structures d’accueil d’enfants en bas âge (garderies, écoles maternelles, crèches, centres familiaux, etc.) et d’enfants plus âgés (centres d’accueil de jour, gardes d’enfants après l’école, nourrices, etc.).

Établissements pénitentiaires — L’interdiction des châtiments corporels en tant que mesure disciplinaire doit être adoptée dans tous les établissements accueillant des enfants en conflit avec la loi.

Légalité actuelle des châtiments corporels

Foyer

Les châtiments corporels au sein du foyer sont licites. Dans le préambule de la Constitution 2010, on déclare que la Convention relative aux droits de l’enfant et d’autres traités sont considérés comme faisant partie intégrante de la loi malgache, mais la législation nationale n’a pas été amendée de façon à interdire le châtiment corporel dans tous les contextes. L’article 8 déclare que « Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants » et l’article 17 protège la dignité de l’individu, mais ces dispositions ne sont pas interprétées comme interdisant toutes les formes de châtiment corporel.

La loi n° 2007-023 sur les droits et la protection de l’enfant déclare qu’aucun enfant ne doit faire l’objet de quelque forme que ce soit de violence (art. 4) et définit la maltraitance des enfants « comme toute forme de violences, d’atteinte ou de brutalités physiques ou morales, d’abandon ou de négligence, de mauvais traitements ou d’exploitation, y compris la violence sexuelle, perpétrés sur un enfant par ses parents, ses représentants légaux ou toute autre personne. Sont assimilées à la maltraitance toutes sanctions prises à l’encontre des enfants au sein de la famille, des écoles, de la communauté lorsqu’elles portent atteinte à son intégrité physique ou morale » (art. 67). Elle n’interdit pas explicitement tous les châtiments corporels. Les dispositions contre la violence et la maltraitance dans le Code pénal de 1972 ne sont pas interprétées comme interdisant tous les châtiments corporels dans l’éducation des enfants.

En 2015, sous l’examen du Comité africain d’experts sur les droits et le bien-être de l’enfant, le gouvernement a signalé que le Code pénal est en cours de révision, précisant toutefois que l’intention en est de limiter plutôt que d’interdire complètement les châtiments corporels infligés aux enfants.[1] En septembre 2017, la révision pour la mise en place des recommandations des organes conventionnels et de celles résultant de l’Examen périodique universel était toujours en cours.[2] Une politique nationale de la protection de l’enfance est en cours de développement.[3]

En septembre 2017, le gouvernement a déclaré que tous les châtiments corporels au sein du foyer étaient interdits par une loi de 2017 qui « interdit toute forme de maltraitance à enfant par des individus ayant autorité parentale ».[4] Nous cherchons à établir si cela fait référence à la loi n° 2017-014 sur l’adoption, qui permet de placer les enfants sous protection quand leur sécurité, leur intégrité morale ou physique, leur santé ou leur éducation sont compromises (art. 18), sans toutefois interdire le châtiment corporel dans l’éducation des enfants.

 

Structures de protection de remplacement

Les châtiments corporels sont licites dans les structures de protection de remplacement, ainsi que pour les parents (voir « Foyer » ci-dessous).

 

Garderies

Les châtiments corporels sont licites dans les structures d’accueil d’enfants en bas âge et d’enfants plus âgés, ainsi que pour les parents (voir « Foyer » ci-dessous).

 

Écoles

Il semblerait que les châtiments corporels sont interdits au sein des écoles en vertu de l’article 11 du décret ministériel n° 5246-96 MEN (1996)[5] et du mémorandum n°234/MEN/SG du 4 avril 2017.[6]  Nous devons encore vérifier que cette interdiction est clairement établie. La loi 2004-004 du 26 juillet 2004 sur l’enseignement primaire gratuit et obligatoire n’aborde pas la question.

 

Établissements pénitentiaires

Les châtiments corporels ne sont pas expressément interdits comme mesure disciplinaire dans les établissements pénitentiaires. La discipline dans les prisons est régulée par le décret n° 2006-015 sur l’organisation générale du service carcéral. Aucune disposition ne vise les châtiments corporels en tant que mesure disciplinaire, mais les individus de plus de 16 ans doivent être placés en isolement comme mesure disciplinaire (art. 135 à 138). L’article 13 de la Constitution de 2010 interdit « toute brutalité physique pour appréhender une personne ou la maintenir en détention », mais ne proscrit pas tous les châtiments corporels.

La loi n° 2016-018 sur la protection des enfants en conflit avec la loi protège les enfants de la torture et des traitements cruels, inhumains ou dégradants (article 6), mais cela n’est pas interprété comme une interdiction de tous les châtiments corporels.

 

Peine criminelle

Le châtiment corporel est illicite en tant que sanction pénale. Aucune disposition le concernant n’est prévue dans le Code pénal de 1972, le Code de procédure pénale de 1962 et la loi n° 62-038 sur la protection des enfants.

 

[1] Examen du rapport de l’État partie au Comité africain d’experts sur les droits et le bien-être de l’enfant, juin 2015

[2] 13 septembre 2017, CCPR/C/SR.3385, Compte-rendu analytique de la 3385e séance, § 27

[3] [2018], CRC/C/MDG/5-6, Cinquième et sixième rapport, paragr. 22

[4] 13 septembre 2017, CCPR/C/SR.3385, Compte-rendu analytique de la 3385e séance, § 9

[5] 3 novembre 2009, A/HRC/WG.6/7/MDG/1, Rapport national soumis à l’Examen périodique universel

[6] [2018], CRC/C/MDG/5-6, Cinquième et sixième rapport, paragr. 115

Examen périodique universel du bilan de Madagascar en matière de droits de l’homme

Madagascar a fait l’objet d’un examen lors du premier cycle de l’Examen périodique universel en 2010 (7e session). Aucune recommandation n’a été faite concernant les châtiments corporels infligés aux enfants. Les recommandations suivantes ont néanmoins été faites et acceptées par le gouvernement :[1]

« Déployer des efforts accrus en vue de s’acquitter des obligations qui lui incombent en vertu de la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes et de la Convention relative aux droits de l’enfant, de protéger ses populations les plus vulnérables, notamment les femmes et les enfants, en particulier en période de crise ».

« Ériger en infraction pénale toutes les formes de violence dirigées contre les femmes et les enfants et assurer aux victimes de tels actes des mécanismes de recours et de protection efficaces (Allemagne) ».

« Prendre d’urgence des mesures globales adaptées et efficaces en vue de lutter contre toutes les formes de violence à l’égard des femmes et des filles, y compris la violence au foyer, la violence sexuelle et la traite (Italie) ».

« Prendre des mesures efficaces pour lutter contre la violence à l’égard des femmes et des filles, en particulier la violence au foyer et la violence sexuelle, et notamment des mesures de prévention et des sanctions ainsi que des mesures visant à protéger et à indemniser les victimes (Chili) ».

« Prendre des mesures efficaces pour assurer la protection des filles et des femmes contre toutes formes de violence et de mauvais traitements, mener des enquêtes et veiller à ce que les responsables soient punis (Argentine) ».

Un examen a eu lieu lors du deuxième cycle, en 2014 (20e session). Aucune recommandation n’a expressément abordé les châtiments corporels infligés aux enfants. Le gouvernement a néanmoins accepté des recommandations visant à aligner sa législation nationale sur les normes internationales relatives aux droits de l’homme et à lutter contre la violence faite aux enfants.[2]

 

[1] 26 mars 2010, A/HRC/14/13, Rapport du groupe de travail, § 72(6), 72(37), 72(38), 72(39) et 72(40)

[2] 23 décembre 2014, A/HRC/28/13, Rapport du groupe de travail, § 108(40) et 108(88)

Recommandations par les organes de traités

Comité des droits de l'enfant

(8 mars 2012, CRC/C/MDG/C0/3-4, Observations finales du troisième/quatrième rapport, § 37 et 38)

« Le Comité note que les châtiments corporels sont interdits dans les établissements scolaires, mais que la loi les autorise encore au sein du foyer et dans les structures de protection de remplacement. Il regrette que le rapport de l’État partie ne donne que peu d’informations à cet égard.

À la lumière de son Observation générale n° 8 (2006) concernant le droit de l’enfant à une protection contre les châtiments corporels et les autres formes cruelles ou dégradantes de châtiment, le Comité recommande à l’État partie :

a) d’envisager de se doter d’une législation interdisant expressément l’utilisation des châtiments corporels contre les enfants dans quelque cadre que ce soit, y compris au sein de la famille et dans les structures de protection de remplacement ;

b) de veiller à ce que les lois interdisant les châtiments corporels soient effectivement appliquées et à ce que des poursuites soient systématiquement engagées contre les responsables de violence à l’égard des enfants ; et

c) de mettre en place des programmes d’éducation, de sensibilisation de la population et de mobilisation sociale sur les effets préjudiciables des châtiments corporels en vue de faire évoluer les mentalités dans ce domaine et de promouvoir le recours à des méthodes d’éducation positives, non violentes et participatives en tant que méthodes disciplinaires de substitution ».

 

 

Comité des droits de l’enfant

(27 octobre 2003, CRC/C/15/Add.218, Observations finales sur le deuxième rapport, § 45 et 46)

« Tout en notant que le Code pénal, tel qu’il a été modifié par la loi n° 98-024 du 25 janvier 1999, interdit les violences contre des enfants, le Comité est préoccupé par le nombre d’enfants maltraités, notamment victimes de violences sexuelles, de violences ou de négligences dans l’État partie, par le fait que les châtiments corporels ne sont pas interdits par la loi, et par l’insuffisance des efforts déployés pour protéger les enfants. [...]

Le Comité recommande à l’État partie :

b) de prendre toutes les mesures nécessaires pour introduire l’interdiction légale de la pratique des châtiments corporels dans les écoles et autres institutions et dans la famille et de former les enseignants à d’autres mesures de discipline... »

 

Comité contre la torture

(21 décembre 2011, CAT/C/MDG/CO/1, Observations finales sur le rapport initial, § 13)

« Le Comité est préoccupé par les informations relatives au nombre élevé des mariages précoces ou forcés et des cas de maltraitance et de violence domestique. Il est également préoccupé par l’absence de plaintes, due à la pression sociale et familiale, en dépit de la loi n° 2000-21, qui érige la violence familiale et les sévices sexuels en infractions pénales (art. 2, 12, 13 et 16) [...]

Le Comité encourage l’État partie à adopter une loi à l’effet de prévenir et de punir le viol conjugal et à interdire les châtiments corporels infligés aux enfants. Il l’invite à inclure la détection des actes de violence commis envers les femmes et les enfants dans les formations dispensées aux agents chargés de l’application de la loi. »

 

Comité des droits de l'homme

([Juillet 2017], CCPR/C/MDG/CO/4, Observations finales sur le quatrième rapport, version préliminaire non revue par les services d’édition, § 31 et 32 [en français uniquement])

« Le Comité prend note de la loi n° 2007-023 du 20 août 2007 sur les droits et la protection de l’enfant. Il regrette toutefois qu’à ce jour, les châtiments corporels ne soient formellement prohibés que dans le cadre scolaire (art. 7 et 24).

L’État partie devrait prendre des mesures pratiques, notamment d’ordre législatif, pour mettre un terme aux châtiments corporels dans tous les contextes. Il devrait encourager le recours à des formes non violentes de discipline pour remplacer les châtiments corporels et mener des campagnes d’information pour sensibiliser la population aux effets préjudiciables de cette pratique ».

 

Comité africain d'experts sur les droits et le bien-être de l'enfant

([Août 2015], Comité africain d’experts sur les droits et le bien-être de l’enfant, Observations finales sur le rapport initial, § 25 et 26)

« Le Comité note avec regret que l’État partie promeut les châtiments corporels au sein de la famille comme méthode disciplinaire parentale. Toutefois, le Comité reste ferme sur sa position que les châtiments corporels doivent être bannis dans tous les contextes compte tenu de leurs conséquences négatives sur le bien-être physique, mental et psychologique de l’enfant ; et que l’État partie doit introduire des méthodes disciplinaires positives au sein du foyer. Le Comité recommande donc à l’État partie d’interdire légalement les châtiments corporels et de promouvoir des méthodes disciplinaires positives qui ne blessent ni physiquement ni verbalement l’enfant.

Malgré les mesures prises par le gouvernement pour protéger les enfants contre la maltraitance et la torture, le Comité regrette que beaucoup d’enfants soient victimes de violences sexuelles et de châtiments corporels. Le Comité condamne ces violations et regrette que bon nombre de ces violences sexuelles soient perpétrées par des membres de la famille. Par conséquent, le Comité exhorte l’État partie à enquêter et à poursuivre en justice les individus responsables de violences sexuelles et à éliminer tout risque d’impunité. Par ailleurs, il encourage la société à signaler de tels cas et à mettre un terme à la stigmatisation des personnes signalant des abus sexuels commis par des membres de la famille. De plus, le Comité recommande à l’État partie de bannir les châtiments corporels dans tous les milieux, y compris au sein du foyer et dans les écoles ».

Études sur la prévalence/attitudinales au cours des dix dernières années

La première étude sur les violences envers les enfants à Madagascar a impliqué 2523 participants, y compris des enfants de 15 à 17 ans. L’étude a trouvé que 86% des participants pensent que les châtiments corporels sont souvent utilisés dans le foyer et 65% considèrent que cela est acceptable. Des 701 jeunes impliqués dans l’étude, presque 90% pensent que les punitions physiques sont souvent utilisées par les adultes pour discipliner les enfants dans le foyer et 67% ont rapporté que cela était souvent utilisé comme un outil de discipline dans leur foyer quand ils étaient enfants. La moitié d’entre eux ont également rapporte avoir eu l’expérience de violences à l’école.

(Ministère de la Population, de la Protection Sociale et de la Promotion de la Femme (MPPSPF) et UNICEF Madagascar (2018), Étude sur les violences envers les enfants à Madagascar)

 

Selon un sondage réalisé en 2012, dans les quatre régions du Sud de Madagascar, 64 % des enfants âgés de 2 à 14 ans étaient victimes de châtiments corporels au cours du mois précédant le sondage et 20 % des enfants ont été soumis à de sévères châtiments physiques. Dans l’ensemble, 84 % des enfants âgés ont été soumis à au moins une forme de punition psychologique ou physique par leurs mères/responsables ou d’autres membres adultes du ménage.

(Instat Madagascar, Banque mondiale et UNICEF (2013), Madagascar Sud : Enquête par Grappes à Indicateurs Multiples (MICS) 2012, Rapport Final)

Une étude impliquant 100 enfants âgés de 4 à 17 ans ayant fait l’expérience de violences et 30 parents ou autres membres de la famille a révélé la sévérité des violences subies par les enfants. Plus de la moitié des enfants (52 %) ont été battus avec un objet tel qu’une ceinture ou un balai, 49 % l’ont été avec la main, le plus couramment sur le dos ou sur la tête, et 19 % ont été pincés ou se sont fait tordre un membre du corps. Les autres types de violence comprenaient les insultes et les menaces, le tirage de cheveux et l’attaque au couteau. Les auteurs de la violence étaient le plus souvent les parents : sur les 100 enfants, 43 avaient été victimes de violence de la part de leur mère biologique, 30 de la part de leur père biologique et 7 de la part des deux. Les autres responsables étaient notamment les grands-parents, les beaux-parents, les oncles, les tantes et les frères et sœurs plus âgés. 35 % des enfants étaient victimes de violence chaque jour, 9 % chaque semaine, 5 % chaque mois et 50 % « parfois ».

(Plateforme de la Société Civile pour l’Enfance et Centre d’Études et de Recherches Juridiques (2011), La violence à l’égard des enfants au sein de la famille en situation précaire à Antananarivo, Antananarivo : Plateforme de la Société Civile pour l’Enfance et Centre d’Études et de Recherches Juridiques, Université d’Antananarivo)

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