Châtiments corporels des enfants au Mali

DERNIÈRE MISE À JOUR : juillet 2018

 

Résumé des réformes juridiques nécessaires à l’obtention d’une interdiction totale

L’interdiction doit encore être imposée dans le cadre familial, dans les prises en charge de remplacement, dans les garderies et dans les établissements pénitentiaires.

Le « droit de correction » parental prévu dans le Code de la parenté (1973) n’a pas été inclus dans le nouveau Code de la famille de 2011, mais aucune disposition n’interdit expressément aux parents d’y recourir. Parce qu’il existe dans l’éducation des enfants un certain degré de violence largement toléré, il faut préciser dans les textes législatifs qu’aucun degré de châtiment corporel n’est acceptable ou légal. Il est impératif d’adopter l’interdiction de tout châtiment corporel infligé par les titulaires de l’autorité parentale.

Prises en charge de remplacement — l’interdiction doit être incorporée aux lois régissant les prises en charge de remplacement (familles d’accueil, institutions, lieux de sureté, soins d’urgence, etc.).

Garderies — les châtiments corporels devraient être interdits dans toutes les structures d’accueil de la petite enfance (garderies, crèches, centres familiaux, etc.) et dans toutes les garderies pour enfants plus âgés (centres d’accueil de jour, gardes d’enfants après l’école, nourrices, etc.).

Établissements pénitentiaires — on devrait adopter l’interdiction des châtiments corporels en tant que mesure disciplinaire dans tous les établissements accueillant des enfants en conflit avec la loi.

Légalité actuelle des châtiments corporels

Foyer

Les châtiments corporels au sein du foyer sont autorisés par la loi. L’article 84 du Code de la parenté (1973) dispose que « la puissance paternelle comporte un droit de garde, de direction, de surveillance et de correction ». Ce Code a été remplacé par le nouveau Code de la famille de 2009 (amendé en 2011) qui ne prévoit pas le droit de correction mais dispose que les parents doivent assurer « l’entretien et l’éducation » de leur enfant (art. 565). Or ce silence au sujet des châtiments corporels ne signale pas clairement que ceux-ci sont illicites dans l’exercice de l’autorité parentale. Le Code de la protection de l’enfant de 2002 ne prévoit pas l’interdiction de tous les châtiments corporels. Quoi qu’il en soit, il n’a pas été revu ni adopté et est devenu obsolète.[1] Le Code des personnes et de la famille de 2011 affirme que l’enfant doit obéir à son père et à sa mère, les honorer et les respecter (art. 562) et que l’autorité parentale comporte l’obligation de protéger l’enfant dans sa sécurité, sa santé, son développement complet et sa moralité et celle de respecter le droit et le devoir de garde, de surveillance et d’éducation (art. 563).

Le gouvernement a accepté une recommandation formulée au cours de l’Examen périodique universel du Mali, en 2008, [2] et visant à « combattre » les châtiments corporels infligés aux enfants ; lors du second Examen en 2013, il a indiqué que cela avait été accompli.[3] Mais comme mentionné précédemment, les réformes législatives menées à ce jour n’ont pas interdit explicitement tout recours au châtiment corporel comme méthode d’éducation des enfants.

En novembre 2017, le gouvernement a annoncé que le Code de protection de l’enfant et le Code pénal faisaient l’objet de révisions et qu’une loi contre les violences sexistes était en discussion.[4]

 

Structures de protection de remplacement

Les châtiments corporels ne sont pas expressément interdits dans les prises en charge de remplacement.

 

Garderies

La régulation interne n° 94-5000 du 15 avril 1994 (crèches) interdit les châtiments corporels dans les écoles maternelles et les crèches, mais aucune interdiction explicite n’existe en ce concernant les autres structures d’accueil de la petite enfance et les services de garde de jour pour les enfants plus âgés.

 

Écoles

Les châtiments corporels sont interdits dans les écoles en vertu des règlements internes n° 94-4856/MEB-CAB du 8 avril 1994 (portant sur les écoles fondamentales) et n° 94-4999/MEB/CAB (portant sur les établissements d’éducation spéciale).

 

Établissements pénitentiaires

Dans les établissements pénitentiaires, les châtiments corporels comme mesures disciplinaires passent pour illicites, mais ne sont pas explicitement interdits. Le système pénitentiaire est régi par le décret n° 88-002 1988 dont l’article 105 interdit au personnel des prisons d’user de violence et de punitions pour sanctionner des infractions disciplinaires (art. 112) sans toutefois mentionner les châtiments corporels. L’article 14 du Code de protection de l’enfant dispose que tout enfant placé dans un centre de détention ou dans une institution de protection, qu’elle soit éducative ou de réinsertion, a le droit d’être protégé physiquement et moralement, mais il n’exclut pas explicitement le châtiment corporel.

 

Peine criminelle

Le recours au châtiment corporel comme sanction pénale est illégal. Selon l’article 169 du Code de protection de l’enfant (2002) et selon le Code pénal, il ne s’agit pas d’une sanction pénale autorisée.

 

[1] UNICEF (2013), Rapport annuel – Mali

[2] 13 juin 2008, A/HRC/8/50, Rapport du Groupe de travail, par. 56 (12)

[3] 4 décembre 2012, A/HRC/WG.6/15/MLI/1, Rapport national au titre de l’Examen périodique universel, par. 56 (12)

[4] 6 novembre 2017, A/HRC/WG.6/29/MLI/1, Rapport national, par. 50 et 54

Examen périodique universel du bilan du Mali en matière de droits de l’homme

Le Mali a été examiné dans le cadre du premier cycle de l’Examen périodique universel en 2008 (2e session). La recommandation suivante a été formulée et acceptée par le Mali :[1]

« Adopter des mesures efficaces pour lutter contre toutes les formes de maltraitance des enfants, y compris les châtiments corporels (Italie) ».

L’examen dans le cadre du deuxième cycle a eu lieu en 2013 (15e session). Dans son rapport national, le gouvernement a fait référence aux recommandations formulées par l’Italie en 2008, soutenant qu’une mesure réglementaire interdit le châtiment corporel dans les écoles, que l’interdiction est formelle dans le plan d’action, et que le Code pénal interdit et réprime toute forme de violence.[2] Malgré le fait que la législation n’interdit pas le châtiment corporel « en toutes circonstances », comme mentionné précédemment, aucune recommandation n’a spécifiquement visé les châtiments corporels durant l’examen. La recommandation suivante a été formulée et a été acceptée par le gouvernement :[3]

« Prendre les mesures nécessaires pour mettre sa législation nationale en conformité avec les conventions internationales relatives aux droits de l’homme (Pays-Bas) ».

L’examen dans le cadre du troisième cycle a eu lieu en 2018 (29e session). Aucune recommandation n’a été faite concernant les châtiments corporels, mais le gouvernement a adhéré aux recommandations suivantes :[4]

« Poursuivre ses efforts pour promouvoir et protéger les droits de l’enfant et de la femme (Maurice) ;

« Redoubler d’efforts pour éliminer toutes formes de discriminations et de violence à l’égard des femmes et des enfants (Cap-Vert) ;

« Prendre des mesures pour mieux protéger les droits de l’enfant, et établir des agences spécialisées, les doter de ressources et les surveiller afin de promouvoir et protéger les droits des enfants vulnérables (Australie) ».

 

[1] 13 juin 2008, A/HRC/8/50, Rapport du Groupe de travail, par. 56 (12)

[2] 4 décembre 2012, A/HRC/WG.6/15/MLI/1, Rapport national au titre de l’Examen périodique universel, par. 56 (12)

[3] 12 mars 2013, A/HRC/23/6, Rapport du Groupe de travail, par. 111 (8)

[4] 17 avril 2018, A/HRC/38/7, Rapport du Groupe de travail, par. 114 (83), 114 (96), et 114.117

Recommandations par les organes de traités

Comité des droits de l'enfant

(3 mai 2007, CRC/C/MLI/CO/2, Observations finales sur le deuxième rapport, par. 6, 39 et 40)

« Le Comité constate que certaines des recommandations qu’il a formulées précédemment (CRC/C/15/Add.113) ont été appliquées mais il déplore que beaucoup d’autres n’aient pas été suffisamment prises en considération, notamment celles qui concernent les éléments suivants : [...] châtiments corporels [...]. Le Comité renouvelle dans le présent document l’expression de ses préoccupations et ses recommandations.

« Le Comité apprécie l’action menée par l’État partie pour lutter contre les châtiments corporels par des mesures législatives, administratives, sociales et éducationnelles. Toutefois, il demeure préoccupé par le fait que les châtiments corporels sont autorisés et pratiqués dans les familles, les écoles coraniques et les établissements assurant une protection de remplacement et qu’ils ne sont pas expressément interdits dans les institutions pénales.

« Le Comité invite instamment l’État partie à tenir compte de son Observation générale n° 1 relative aux buts de l’éducation (CRC/GC/2001/1) et de son Observation générale n° 8 relative au droit de l’enfant à une protection contre les châtiments corporels et les autres formes cruelles ou dégradantes de châtiments (CRC/GC/2006/8) et, pour ce faire :

a) d’interdire expressément les châtiments corporels dans les foyers, dans tous les établissements assurant une protection de remplacement et dans les institutions pénales ;

b) de continuer de sensibiliser et d’informer les parents, les tuteurs et les professionnels qui travaillent auprès des enfants ou pour les enfants, par des campagnes d’information sur les effets néfastes des châtiments corporels ;

c) de continuer d’encourager des formes rationnelles et non violentes de discipline pour remplacer les châtiments corporels ;

d) de demander l’aide, entre autres, de l’UNICEF et de l’Organisation mondiale de la santé (OMS). »

 

Comité des droits de l’enfant

(2 novembre 1999, CRC/C/15/Add.113, Observations finales sur le rapport initial, par. 25)

« Le Comité sait que les châtiments corporels sont interdits dans les écoles et dans les établissements d’accueil des enfants et d’autres institutions, y compris au Centre d’observation et de rééducation de Bollé, mais il reste préoccupé par le fait que les attitudes traditionnelles de la société continuent d’encourager le recours à de tels châtiments au sein de la famille et plus généralement de la société. Le Comité recommande à l’État partie de prendre des mesures appropriées pour interdire par la loi les châtiments corporels dans les établissements d’accueil des enfants. Le Comité recommande en outre à l’État partie de renforcer les mesures visant à accroître la sensibilisation aux effets néfastes des châtiments corporels et à modifier les attitudes culturelles afin de veiller à ce que la discipline soit appliquée par des moyens qui ne portent pas atteinte à la dignité de l’enfant et qui soient conformes à la Convention. »

Études sur la prévalence/attitudinales au cours des dix dernières années

Selon une étude menée en 2015 dans le cadre de l’Enquête par grappes à indicateurs multiples de l’UNICEF, 73 % des enfants âgés de 1 à 14 ans ont été exposés à une « discipline » violente (agressions psychologiques ou châtiments corporels) dans le mois précédant l’étude. En moyenne, 65 % des enfants ont subi des agressions psychologiques, 38 % des punitions physiques et 14 % des punitions physiques sévères (comme recevoir des coups ou des gifles au niveau du visage, de la tête ou des oreilles, ou bien recevoir régulièrement des coups). Seuls 13 % des enfants auraient connu des formes non violentes de discipline.

(Institut national de la statistique [2016], Enquête par grappes à indicateurs multiples au Mali [MICS-Mali], 2015, Résultats clés, Bamako, Mali : INSTAT)

Dans une étude menée en 2009 auprès de 1200 adultes et 600 enfants âgés de 10 à 15 ans, 83,3 % des adultes et 82,5 % des enfants ont indiqué que les châtiments corporels avaient lieu dans les écoles, malgré leur interdiction. Une large majorité (89,1 %) des participants à l’enquête estimaient que les châtiments corporels avaient des effets préjudiciables sur les enfants. Plus de la moitié des filles (55,7 %) ont indiqué ne pas se sentir capables de parler de leurs droits à un adulte leur ayant infligé des châtiments corporels à l’école, et 53 % des femmes ont indiqué ne pas se sentir capable de parler des droits de leur enfant à un adulte ayant infligé un châtiment corporel à cet enfant. La moitié des participants (50,6 %) ont indiqué qu’ils ne préviendraient pas les autorités si leur enfant subissait des châtiments corporels. 64 % des participants ont indiqué que la violence dans les écoles était en partie due au manque de formation des enseignants. Le rapport recommande l’interdiction de tous les châtiments corporels, conformément aux recommandations du Comité des droits de l’enfant.

(Antonowicz, L. [2010], La violence faite aux enfants en milieu scolaire au Mali, Plan & Save the Children)

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