Châtiments corporels des enfants en Tunisie

DERNIÈRE MISE À JOUR : août 2017

 

Résumé des réformes juridiques nécessaires à l’obtention d’une interdiction totale

La réforme législative a été réalisée. Les châtiments corporels sont illégaux dans tout contexte, y compris dans le foyer.

L’interdiction des châtiments corporels

Foyer

Le châtiment corporel est illégal au sein du domicile et de la famille. L’article 319 du Code pénal punit la violence et les agressions sans conséquences durables pour la victime. Avant la réforme législative de 2010, il était mentionné que “la correction de l’enfant par les personnes ayant autorité sur lui n’est pas punissable”. La loi n°2010-40 du 26 juillet 2010 a modifié l’article 319 afin de rejeter explicitement cette clause. Toute forme de violence, aussi légère soit-elle, à l'encontre d'un enfant est désormais considérée comme une infraction pénale. La publication de la loi dans la Gazette Officielle de juillet 2010 était accompagnée d’une déclaration du Conseil constitutionnel affirmant que la nouvelle loi était pleinement compatible avec la Constitution et que son but était de faire en sorte que les dispositions contre l’agression légère prévues par l’article 319 du Code pénal soient également applicables à la “correction” des enfants.

L’agression grave est punissable en vertu d’autres articles du Code pénal. Le Code de la protection de l’enfant de 1995 (modifié en 2006) protège les enfants contre les “mauvais traitements habituels”, définis dans l’article 24 comme “soumission de l’enfant à la torture, à des violations répétées de son intégrité physique, ou sa détention, ou l’habitude de le priver de nourriture, ou toutes formes d’actes violents capables d’affecter son bien-être émotionnel ou psychologique”.

Une nouvelle Constitution a été adoptée en 2014. L’article 47 établit que: “les droits de l’enfant à la dignité, à la santé, aux soins et à l’éducation sont garantis par les parents et par l’Etat. L’Etat doit fournir aux enfants toutes les formes de protection sans discrimination et conformément à son intérêt supérieur”.

Une nouvelle loi sur la violence domestique, qui criminalise spécifiquement la violence familiale, mais uniquement contre les femmes, a été adoptée en 2017. Elle n’aborde pas les châtiments corporels infligés aux enfants.

 

Structures de protection de remplacement

Les châtiments corporels sont illégaux au sein des institutions de protection de remplacement en vertu de l’article 319 du Code pénal tel que modifié en 2010 (voir sous “Foyer”).

 

Garderies

Les châtiments corporels sont illégaux dans les institutions pour jeunes enfants et dans les garderies de jour en vertu de l’article 319 du Code pénal tel que modifié en 2010 (voir sous “Foyer”).

 

Écoles

Les châtiments corporels sont illégaux dans les écoles en vertu de l’article 319 du Code pénal tel que modifié en 2010 (voir sous “Foyer”).

 

Établissements pénitentiaires

Les châtiments corporels sont illégaux comme mesures disciplinaires dans les établissements pénitentiaires. L'article 319 du Code pénal tel que modifié en 2010 est applicable (voir sous “Domicile”).  La loi n°2001-52 (2001) sur l’organisation des prisons assure l’intégrité physique et morale des détenus et le châtiment corporel ne fait pas partie des mesures disciplinaires comprises dans l’article 38 du décret n°2423 1995 régulant les centres de détention pour enfants. La Constitution de 2014 établit que chaque prisonnier “doit avoir droit à un traitement humain qui préserve sa dignité” (art. 30).

 

Peine criminelle

Le recours aux châtiments corporels comme peine pour sanctionner une infraction est illégal. Ce n’est pas une sanction possible en vertu du Code de la protection de l’enfant, du Code de procédure criminelle (modifié en 2005) ou du Code pénal.

Examen périodique universel du bilan de la Tunisie en matière de droits de l’homme

La situation de la Tunisie a été examinée lors du premier cycle de l’Examen périodique universel de 2008 (session 1). Aucune recommandation n'a été faite concernant les châtiments corporels infligés aux enfants. Toutefois, la recommandation suivante a été faite et acceptée par le Gouvernement :[1]

“Recommande que la Tunisie poursuive ses programmes et son approche consolidée de promotion et de respect des droits de l’homme, y compris dans le domaine de l’éducation, de la santé et de la promotion du statut de la femme (République arabe syrienne) … ”

L'examen du deuxième cycle a eu lieu en 2012 (session 13). La recommandation suivante a été formulée et acceptée par le Gouvernement :[2]

“Renforcer les mesures de sensibilisation du public et d’éducation professionnelle afin de soutenir la mise en oeuvre de l’article modifié 319 du Code pénal de la loi de 2010 stipulant la suppression de la clause fournissant une défense légale en cas d’administration de châtiments corporels dans l’éducation des enfants (Indonésie)”

L’examen du troisième cycle a eu lieu en 2017 (session 27). Il n’y a pas eu de recommandations relevantes prêtées au Gouvernement.

 

[1] 9 juillet 2012, A/HRC/8/21, Rapport du comité de travail, paragr. 3 (1)

[2] ibid., paragr. 114 (19)

Recommandations par les organes de traités

Comité des droits de l'enfant

(16 juin 2010, CRC/C/TUN/CO/3, Observations finales sur le troisième rapport, para.  7, 8, 40 et 41)

"Le Comité prend acte avec satisfaction des efforts déployés par l'État partie pour donner suite à ses observations finales de 2002 sur le deuxième rapport périodique de l'Etat partie (CRC/C/15/Add.181). Le Comité regrette toutefois que certaines de ses préoccupations et recommandations aient été insuffisamment mises en oeuvre ou que partiellement.

“Le Comité renvoie l’Etat partie à son commentaire général n°5 (2003) sur les mesures générales d'application de la Convention sur les droits de l’enfant. Il lui préconise de prendre toutes les mesures nécessaires afin de répondre aux recommandations des Observations finales du deuxième rapport périodique qui n’ont pas encore été mises en oeuvre, ou pas suffisamment, y compris celles en lien avec le châtiment corporel (CRC/C/15/Add.181, par. 34)...

“Tout en notant avec satisfaction qu’un projet de loi modifiant l’article 339 du Code pénal soit en considération, le Comité est inquiet qu’en vertu de cette disposition “les châtiments infligés à un enfant par les personnes ayant autorité sur lui ou elle ne seront pas punis”. Le Comité s'inquiète également que les châtiments corporels demeurent légaux au sein des familles et dans les institutions de protection de remplacement et que, en dépit du règlement intérieur du Ministère de l’Education interdisant les châtiments corporels, ces derniers continuent d’être infligés aux enfants par les enseignants dans l'ensemble de l’Etat partie. De plus, le Comité craint que l’interprétation de la disposition interdisant “le mauvais traitement habituel” des enfants soit beaucoup plus restreinte que l’interprétation du châtiment corporel par le Comité. Il regrette le manque d’informations et de sensibilisation au sujet de la violence domestique et de ses incidences néfastes sur les enfants.

“Rappelant sa recommandation précédente (CRC/C/15/Add.181, par. 34), le Comité attire l’attention de l’Etat partie sur son observation générale n°8 (2006) sur le droit de l’enfant à une protection contre les châtiments corporels et les autres formes cruelles ou dégradantes de châtiments, selon laquelle éliminer les châtiments violents et humiliants à l’égard des enfants constitue une obligation immédiate et inconditionnelle des Etats parties. Le Comité exhorte donc l’Etat partie à:

a) modifier le Code pénal afin d’interdire explicitement par la loi toutes les formes de châtiments corporels dans tous les contextes et de veiller à ce que ces lois soient effectivement appliquées et que des poursuites soient systématiquement engagées contre les responsables de maltraitance à l’égard des enfants;

b) modifier la définition de “mauvais traitement habituel” afin de veiller à ce qu’elle soit conforme à l’interprétation par le Comité des châtiments corporels et autres formes cruelles ou dégradantes de châtiments, conformément à l'observation générale n°8 (2006);

c) réaliser une étude approfondie afin d’évaluer les causes, la nature et l’ampleur des châtiments corporels dans l’Etat partie et concevoir des politiques et des programmes pour y remédier;

d) mener des campagnes d’éducation publique, de sensibilisation et de mobilisation sociale sur les conséquences néfastes des châtiments corporels et de la violence domestique afin de faire évoluer l'attitude générale envers ces pratiques et de promouvoir des formes positives, non violentes et participatives d’éducation des enfants.

 

Comité des droits de l'enfant

(13 juin 2002, CRC/C/15/Add.18, Observations finales sur le deuxième rapport, par. 33 et 34)

“Tout en prenant acte de la disposition du Code de protection de l’enfant à propos du mauvais traitement (art. 24) et de la disposition pertinente du Code pénal (art. 224), ainsi que de la Circulaire ministérielle de décembre 1997 condamnant toutes formes de châtiments corporels et de pratiques attentatoires à la dignité de l’enfant, le Comité craint que, comme l’a indiqué la délégation, les châtiments corporels ne soient considérés comme un délit que s’ils causent préjudice à la santé de l’enfant. Il constate avec inquiétude que la violence continue d'être acceptable en tant que moyen de discipline au sein des familles et des écoles dans l’Etat partie. Le Comité regrette qu’aucune suite n'ait été donnée à sa recommandation précédente visant à protéger les enfants des mauvais traitements (ibid., par. 17). Le Comité est également soucieux du manque d’informations et de sensibilisation au sujet de la violence familiale et de ses incidences néfastes sur les enfants.

“Le Comité exhorte l’Etat partie à:

a) prendre toutes les mesures législatives nécessaires afin d’interdire de la façon la plus efficace possible toutes les formes de violence physique et mentale, y compris les châtiments corporels et les abus sexuel, à l’encontre des enfants au sein de la famille, des écoles et des institutions;

b) effectuer une étude afin d’évaluer la nature et l’ampleur des mauvais traitements et des abus subis par les enfants et élaborer des politiques et des programmes pour y remédier;

c) mener des campagnes d’éducation publique sur les conséquences néfastes des mauvais traitements infligés aux enfants et promouvoir des formes de discipline positives et non violentes comme alternatives aux châtiments corporels…”

 

Comité des droits de l'enfant

(21 juin 1995, CRC/C/15/Add.39, Observations finales sur le rapport initial, par. 17)

"En ce qui concerne la protection des enfants contre les mauvais traitements, le Comité recommande que la démarche axée sur la prévention sociale soit renforcée et que d'autres mesures soient prises pour faire prendre conscience aux parents de leurs responsabilités vis-à-vis de leurs enfants, notamment au moyen de services d'éducation familiale mettant l'accent sur la responsabilité égale des deux parents et contribuant à empêcher le recours aux châtiments corporels."

 

Comité des droits des personnes handicapées

(13 janvier 2011, CRPD/C/TUN/CO/1, Observations finales sur le rapport initial, par. 6, 16 et 17)

“Le Comité se réjouit de la modification apportée en 2010 à l’article 319 du Code pénal qui interdit toute forme de violence à l’encontre des enfants, quel qu'en soit l’auteur - parents ou tuteurs inclus.

“Le Comité est particulièrement préoccupé par le faible taux de signalement ( signalement) des cas de mauvais traitements habituels d’enfants, y compris d’enfants handicapés, pouvant conduire à des situations de danger, compte tenu des résultats de l’enquête en grappes à indicateurs multiples (MICS 2006) qui indiquaient que 94 pour cent des enfants âgés de 2 à 14 ans étaient disciplinés à la maison par des moyens violents, qu’ils soient verbaux, physiques, ou de privation.

“Le Comité recommande que l’Etat partie:

a) évalue le phénomène de violence à l'encontre des garçons et des filles handicapés et collecte des données systématiques ventilées (voir paragraphe 39 ci-dessous) en vue de mieux les combattre;

b) s’assure que les établissements de soins pour enfants handicapés soient dotés d’un personnel ayant reçu une formation spécialisée, qu'ils soient conformes aux normes en vigueur, régulièrement surveillés et évalués, et qu’ils établissent des procédures de réclamations accessibles aux enfants handicapés;

c) instaure des mécanismes de suivi indépendants; et

d) prenne des mesures en vue de remplacer les soins en établissement pour les garçons et les filles handicapés par des soins communautaires.”

Études sur la prévalence/attitudinales au cours des dix dernières années

Une enquête menée en 2011-2012 a découvert que plus de 93% des enfants âgés de 2 à 14 ans avaient été soumis à des formes violentes de “discipline” (châtiments psychologiques ou corporels) administrées par des membres de leur famille durant le mois précédent l’enquête; plus de 73% ont souffert de châtiments corporels, 32% de châtiments corporels graves (coup sur la tête, le derrière, les oreilles ou le visage, soit fort ou répété). Les garçons sont plus susceptibles de subir des châtiments corporels sévères ou non (35 % et 77 % respectivement) que les filles (28 % et 70 % respectivement), et les enfants des ménages les plus pauvres sont beaucoup plus susceptibles de subir des châtiments corporels sévères (40 %) que ceux des ménages les plus riches (20 %). Contrairement à la prévalence réelle (73 %), 44 % de mères/personnes ayant la garde d'enfants disent que les punitions physiques sont nécessaires pour élever correctement un enfant. Seulement 5 % des enfants ont expérimenté des formes de discipline non violentes.

(Ministère du Développement et de la Coopération Internationale (MDCI), Institut National de la Statistique (INS) & UNICEF (2013), Suivi de la situation des enfants et des femmes en Tunisie- Enquête par grappes à indicateurs multiples 2011-2012, Rapport Final)

Selon les statistiques de l'UNICEF collectées entre 2005 et 2012, 93 % des enfants âgés de 2 à 14 ans ont été exposés à une « discipline » violente (châtiments corporels et/ou agressions psychologiques) dans le cadre familial, durant le mois précédent l’étude.

(UNICEF (2014), La Situation des enfants dans le monde en 2014 en chiffres : chaque enfant compte, NY : UNICEF)

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